Perte ambiguë et deuil blanc
Il est normal d’éprouver un sentiment de deuil au fil de l’évolution d’un trouble neurocognitif; les pertes et le deuil peuvent se manifester de diverses manières tout au long du parcours.

Téléchargez notre brochure : Troubles neurocognitifs – le deuil blanc : une ressource pour les personnes et les familles.
Le deuil
On considère que le deuil est le « compagnon permanent, mais invisible » des troubles neurocognitifs1 : les changements provoqués par la maladie entraînent souvent un sentiment profond et tenace de perte chez les proches aidant·es, qui doivent souvent faire le deuil de pertes dans leur propre vie et dans celle de la personne touchée.
Le processus de deuil peut s’accompagner de nombreux changements. Au début, la tristesse alterne souvent avec l’espoir d’un nouveau traitement miracle. Vous pourriez aussi nier le problème et refouler vos sentiments. Plus tard, une fois que vous aurez accepté la situation, il se pourrait que vous la viviez très bien par moments. D’autres jours, cependant, la tristesse, la colère ou le sentiment de vide pourraient vous envahir.
Ces sentiments sont tout à fait normaux quand on est en deuil. Toutefois, vous devez réaliser que vous vivez probablement un stress intense et que vous avez besoin de soutien émotionnel, vous aussi.
1. Doka, K. J. (2005). Living With Grief: Alzheimer’s Disease. Hospice Foundation of America.
Conseils pour gérer le deuil
- Donnez libre cours à votre peine. Autorisez-vous à ressentir pleinement vos émotions, quelles qu’elles soient. Nier ses émotions ne fait qu’aggraver et prolonger la souffrance.
- Pleurez. Les larmes sont parfois thérapeutiques; laissez-les vous soulager. Relâchez la tension en criant ou en donnant un coup de poing dans un oreiller. Veillez toutefois à ce que la personne dont vous prenez soin soit en sécurité et hors de portée de voix pour ne pas l’angoisser.
- Parlez. Exprimez votre douleur. Il est important de parler de ses sentiments, même dans les moments les plus difficiles : communiquer son deuil permet de l’atténuer. Parler à une personne extérieure à la famille, comme un·e conseiller·ère ou un·e ami·e proche, pourrait vous faire du bien. En vous joignant à un groupe d’entraide de la Société Alzheimer, vous aurez l’occasion de parler avec d’autres des personnes qui vivent la même chose que vous.
- Tenez un journal intime. Vous pourrez y noter tout ce qui vous passe par la tête, en particulier les souhaits non réalisés, la culpabilité, la colère et toutes sortes de réflexions et de sentiments. C’est un bon moyen d’explorer vos frustrations et d’exprimer vos pensées et vos idées sans interruption.
- Tenez compte de vos propres besoins. Si vous passez beaucoup de temps avec une personne vivant avec un trouble neurocognitif, pensez à prendre des pauses régulières pour rester en contact avec le monde extérieur et vous remonter le moral. Le simple fait de vous détendre en prenant une tasse de thé ou en parlant au téléphone vous aidera à recharger vos batteries et à gérer vos émotions.
- Cherchez une source de réconfort. Chaque personne est différente, mais beaucoup puisent du réconfort dans les rituels (prières, méditation, etc.).
- Réfléchissez longuement à vos décisions. Examinez attentivement toutes les possibilités avant de faire des choix décisifs. Il se peut d’ailleurs que vous soyez incapable de prendre des décisions importantes pour le moment.
- Faites preuve de compassion et d’indulgence envers vous-même, et de patience avec vos émotions. Essayez de trouver un équilibre entre joie et tristesse, entre colère et tranquillité d’esprit. Donnez-vous le temps.
- Réapprenez à rire. Redécouvrez votre sens de l’humour. Regardez un film drôle, lisez des bandes dessinées ou passez du temps avec quelqu’un qui vous fait rire.
Il est assez fréquent pour les proches aidant·es d’une personne vivant avec un trouble neurocognitif de sombrer dans la dépression, mais ce n’est pas une fatalité. C’est un trouble qui se traite. Si ça vous inquiète, parlez-en à votre médecin.
Sources : Société Alzheimer du Royaume-Uni; Dementia Australia. (2005). Living With Grief: Alzheimer’s Disease. Hospice Foundation of America.
Le deuil aux derniers stades d’un trouble neurocognitif
Aux derniers stades, la personne touchée ne sera peut-être plus en mesure de vous reconnaître ni de communiquer avec vous, ce qui peut être très douloureux. Bien qu’elle soit encore en vie, vous pourriez ressentir son absence, puisqu’elle ne communique plus comme avant. Vous savez que la relation touche à sa fin, mais vous ne pouvez pas pleinement faire votre deuil, car la personne est toujours là. À ce moment-là, le simple fait de s’asseoir avec elle en lui tenant la main ou en posant votre bras autour de ses épaules peut offrir un réconfort partagé. Rappelez-vous que vous avez fait tout ce que vous pouviez.
Certaines personnes proches aidantes constatent qu’elles ont pleuré la perte de leur proche pendant si longtemps qu’elles ne ressentent pas de deuil profond au moment du décès. D’autres éprouvent toutes sortes d’émotions, par exemple :
- une impression d’insensibilité;
- un déni de la situation;
- de la consternation et de la douleur, même si la mort était attendue;
- un sentiment de soulagement, tant pour la personne que pour soi-même;
- de la culpabilité;
- de la tristesse;
- un sentiment d’isolement;
- un sentiment de vide existentiel.
Ces sentiments peuvent persister pendant longtemps. Si vous prenez soin d’une personne vivant avec un trouble neurocognitif, son départ laissera peut-être un grand vide dans votre vie.
Même si vous vivez généralement bien la situation, vous pourriez éprouver des vagues de colère ou de chagrin. Les fêtes et les événements familiaux, comme les anniversaires, peuvent être particulièrement difficiles à vivre. Vous aurez peut-être besoin de l’appui de vos proches à ces moments-là.
Si vous vous sentez encore sous le choc ou vulnérable au cours des mois qui suivent le décès, évitez autant que possible de prendre des décisions importantes. Consultez votre médecin de famille si vous avez besoin d’aide pour lutter contre l’anxiété ou la dépression.
Qu’est-ce que le deuil blanc?
« La notion de deuil blanc m’a aidé à comprendre ce que je ressens. Ma femme et moi sommes encore mariés. Je l’aime, mais je ne vis plus avec elle. Je l’ai toujours aimée à la folie, et c’est encore le cas. Elle est bien accompagnée, mais c’est une perte difficile pour moi. Le deuil blanc… C’est vraiment ce que je vis. » – une personne proche aidante
Les personnes vivant avec un trouble neurocognitif éprouvent parfois des sentiments de perte et de deuil, tant au moment du diagnostic qu’au fil de l’évolution de la maladie, à mesure que leurs capacités changent.
Leurs proches pleurent également la perte de leurs rêves et de leurs projets d’avenir, d’un·e confident·e ou d’un·e partenaire, des rôles et responsabilités partagées et des capacités de la personne touchée. La perte ambiguë et le deuil blanc peuvent rendre l’expérience des aidant·es encore plus difficile.
Contrairement au deuil suivant un décès, le deuil blanc ne permet pas de tourner la page, et la douleur ne peut être complètement apaisée tant que la personne touchée est encore en vie. Les aidant·es des personnes vivant avec un trouble neurocognitif font couramment l’expérience de cette ambiguïté et des sentiments contradictoires qu’elle peut susciter. Heureusement, en comprenant mieux ses propres sentiments de perte et de deuil, on peut en atténuer les effets.
Information et ressources supplémentaires
- MonDeuil.ca est une ressource en ligne qui vous aide à comprendre le deuil et à faire face aux défis qui l’accompagnent. Conçu par des spécialistes du sujet et par des personnes ayant vécu une perte importante, le site vise à aider des gens comme vous.
- Le Research Institute for Aging propose un guide intitulé Living and transforming with loss & grief: An inspirational guide for persons with early stage memory loss and their partners in care (en anglais seulement), qui a été conçu par des personnes vivant avec un trouble neurocognitif et leurs proches aidant·es.
- Si vous êtes prestataire de soins de santé, ou si vous travaillez ou faites du bénévolat au sein d’une organisation consacrée aux troubles neurocognitifs, consultez plutôt cette version de la brochure : Aborder le deuil et la perte ambiguë en tant que professionnel de la santé.
- Vous pouvez également regarder ce webinaire de brainXchange sur la perte ambiguë et le deuil (en anglais).
- Nous vous invitons à utiliser notre liste de contrôle pour mieux vivre votre sentiment de perte ambiguë ou de deuil blanc.
Dernière mise à jour : 4 mars 2025