L'histoire de Heather et Curt
Curt vit avec la maladie d’Alzheimer à début précoce en Colombie- Britannique. Heather, sa femme depuis 33 ans, nous raconte une partie de leur parcours.
« J’ai 61 ans et mon mari, Curt, en a 64. Vers 2008 ou 2009, Curt s’est blessé à la tête au travail. C’est à ce moment que certains de ses comportements (que je considère maintenant comme étant liés aux troubles neurocognitifs) ont commencé. Nous venions d’acheter la maison de ma mère sur une île, et il était ravi d’avoir cet endroit, de travailler à plein temps et de pouvoir la réparer. Mais après cette blessure à la tête, il est devenu bizarre au travail. Il a aussi commencé à avoir des idées délirantes à mon sujet.
Je continuais à croire que sa médecin de famille à l’époque s’occupait de tout. Je me souviens d’avoir été troublée.
Je me demandais comment peut-on soudainement avoir ce qui ressemble à des problèmes de santé mentale? Puis, les symptômes se sont arrêtés d’un coup. Je me souviens d’en avoir parlé à ma médecin de famille et de lui avoir demandé : « Comment est-ce que ça peut s’arrêter comme ça, sans traitement? » Elle m’a répondu que le problème n’était que temporaire. Mais maintenant, avec le recul, je me demande pourquoi personne n’a pensé aux troubles neurocognitifs? Il a même vu un neurologue à l’époque. Ces médecins auraient dû l’examiner tout de suite en raison de son âge et de sa blessure à la tête.
En 2021, Curt a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer à début précoce. Avec tout ça, j’ai vraiment pris conscience à quel point les gens se sentent mal à l’aise à l’égard de ce problème. Ils évitent tout simplement d’en parler. Surtout lorsque les symptômes s’aggravent. Pourquoi? Parce que personne n’en parle, parce que personne n’en entend parler. Je vais donc me donner pour mission de me faire entendre à ce sujet.
Je dis souvent : « Chaque jour, je traverse toutes les émotions que vous pouvez imaginer. »
Rien n’existe pour les personnes de notre âge. Même lorsque j’ai pu participer à des groupes de soutien pour les proches aidants, j’étais la plus jeune. Les gens me disaient : « Tu me rappelles ma fille. » Je n’ai jamais trouvé quelqu’un comme moi, sauf en ligne.
« Avec tout ça, j’ai vraiment pris conscience à quel point les gens se sentent mal à l’aise à l’égard de ce problème. Ils évitent tout simplement d’en parler. […] Je vais donc me donner pour mission de me faire entendre à ce sujet. »
L’année dernière, Curt était inscrit à un programme axé sur l’activité physique. Ça n’a pas fonctionné, et c’était cher. Maintenant, il participe à un autre programme trois heures par jour, deux fois par semaine. Je le dépose en allant au travail et je le récupère après. Là-bas, la plupart des gens sont assez âgés et moins mobiles que lui.
La plupart des jours, je travaille quelques heures au bureau, puis je rentre chez moi pour travailler à domicile. S’il n’y a pas de programme en cours, c’est mon fils qui est avec Curt quand je suis au travail. Notre fils est très patient, mais je sais que cette situation pèse lourd sur lui.
Sur le plan financier, j’ai dû vendre la propriété que nous avions l’intention de conserver pour rembourser nos dettes. Le programme auquel il participe coûte 10 $ par jour, mais je dois stationner la voiture chaque fois que je l’accompagne. Sa seule participation au programme deux jours (par semaine) me coûte donc 200 $ par mois. Un jour, je devrai aussi payer des soins à domicile.
Je travaille, mais je ne mange pas bien, je ne prends pas soin de moi. Je me demande si je ne devrais pas plutôt travailler à temps partiel. Mais, ce serait encore plus difficile sur le plan financier, je ne pourrais peut-être pas garder la voiture. Nous recevons des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, mais comment cela se répercute-t-il sur les impôts? J’aurais aimé que quelqu’un me donne toutes ces informations dès le départ.
Il faut constamment s’adapter tout au long de la journée. Apprendre à vivre d’une nouvelle manière avec cette personne, tout en me souvenant de comment il était auparavant. Je traverse tellement de choses. J’essaie toujours de trouver un peu de joie là où je peux. »
Photo : Avec la permission de Curt et Heather Sosa.