L'histoire de Piita
Piita est un Inuit et un survivant des pensionnats. Il nous décrit comment il a contribué à apporter la culture et la nourriture inuites dans un établissement du Sud où on prend soin d’Aîné·es inuit·es vivant avec un trouble neurocognitif.
« À mon époque, personne chez les Inuit·es ne vivait avec la maladie d’Alzheimer ou d’autres troubles neurocognitifs. En gros, c’est parce que nous mourions trop jeunes et que nous avions un régime alimentaire différent composé de nourriture traditionnelle.
Aujourd’hui, surtout depuis une dizaine d’années, certaines personnes sont atteintes d’un trouble neurocognitif : des personnes inuites de l’Arctique et des personnes inuites du Nunavut.
Comme ces personnes ne peuvent être prises en charge dans leurs communautés — qui ne comptent pas d’établissement —, elles doivent souvent venir ici, au West Embassy à Ottawa. Il s’agit d’un endroit où l’on prend soin des personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer ou un autre trouble neurocognitif.
Bon nombre de personnes qui travaillent au West Embassy sont des Aîné·es. Certaines sont plus âgées que moi. Certaines ont plus de 80 ans et ne parlent pas un mot d’anglais.
Alors, il y a quelques années de cela, mon collègue et moi avons décidé d’aider l’organisation à apporter des changements et à mieux sensibiliser [le personnel] à la culture inuite.
Au début, c’était difficile parce que c’est une organisation du Sud qui ne connaît pas beaucoup les Inuit·es, leur histoire et leur culture. L’organisation ne connaissait pas, par exemple, la nourriture traditionnelle, la manière de préparer des chambres adaptées à cette culture, ou ne savait pas pourquoi les Inuit·es sourient beaucoup. Le personnel ne comprenait pas non plus pourquoi les Inuit·es sont des gens très amicaux ni pourquoi ils peuvent avoir des attitudes différentes face à la vie.
Un collègue et moi en avons donc parlé à la direction, et elle a accepté toutes nos recommandations. Parmi celles-ci : un ou une interprète pour les Aîné·es inuit·es; servir des aliments traditionnels comme la viande de caribou, l’omble chevalier, la viande de phoque du Nunavut; et l’établissement d’une meilleure relation avec le gouvernement du Nunavut.
Nous avons également recommandé la possibilité de recevoir des visites, ce qui n’était pas possible auparavant, et nous en avons obtenu l’autorisation. Désormais, les Inuit·es peuvent rendre visite à leurs proches. Nous avons également une salle de bonne taille où nous pouvons nous réunir et discuter en inuktitut avec des Aîné·es. Le personnel a tendance à les appeler des « patient·es » ou des « résident·es inuit·es », mais nous préférons les appeler les Aîné·es, parce que c’est ce qu’ils et elles sont.
« L’organisation ne connaissait pas, par exemple, la nourriture traditionnelle, la manière de préparer des chambres adaptées à cette culture... Parmi [nos recommandations] : un ou une interprète pour les Aîné·es inuit·es; servir des aliments traditionnels [et] de l’art inuit. »
La nourriture traditionnelle est très nourrissante. Je savais qu’une personne inuite en aurait besoin, et c’est pour ça que je me suis vraiment battu.
Pour la salle culturellement appropriée, un gestionnaire et moi sommes allés dans une boutique d’art inuit sur la rue Sparks à Ottawa et nous avons acheté des tambours inuits pour que les Aîné·es puissent entendre la danse du tambour inuit. Nous avons acheté des poupées inuites pour qu’ils et elles puissent contempler des oeuvres artistiques de chez eux. Nous avons aussi acheté des sculptures inuites. Nous avons acheté des estampes inuites de Cape Dorset et les avons accrochées dans la chambre pour que les Aîné·es puissent mieux guérir dans cette pièce.
Nous avons également acheté des photos de morses, d’ours polaires, de phoques, de bélugas et de boeufs musqués, ainsi que des photos d’un igloo et d’une tente. Nous voulons que les Aîné·es inuit·es se sentent le plus possible chez eux.
Il a fallu environ deux ans et demi de travail en commun pour recevoir ces objets sur lesquels nous insistions. Selon moi, ces choses sont d’une grande aide. »
Adapté avec permission d’une vidéo sur Livingmyculture.ca, un site Web développé par Canadian Virtual Hospice.
Photo : Avec la permission de Piita Irniq et Livingmyculture.ca/Canadian Virtual Hospice