« Je suis une personne qui vit avec l’Alzheimer. J’ai des droits. » Première partie.
Ce blogue se base sur le webinaire, Je suis une personne qui vit avec l’Alzheimer. J’ai des droits organisé par brainXchange et présenté par Phyllis Fehr, le 13 décembre 2017 et le 17 janvier 2018.
Première partie : devenir un moteur du changement. L’histoire de Phyllis Fehr
Un jour, Phyllis Fehr est entrée dans une épicerie et s’est sentie désorientée. Phyllis, qui avait reçu un diagnostic de troubles cognitifs à début précoce ainsi que de maladie à corps de Lewy à 53 ans, est entrée dans un magasin qu’elle ne connaissait pas. La première vague de ce qu’elle a ressenti comme étant de l’anxiété l’a emportée. Où suis-je?
Désorientée sans être perdue, Phyllis s’est résolue à gérer ce qui lui arrivait, en se parlant et en se posant des questions logiques : Phyllis : tu es dans une épicerie. Tu es donc venue ici pour quelque chose.
Se sentant un peu plus calme, Phyllis a commencé à magasiner et s’est rendue au rayon des produits frais. Elle a choisi les légumes qu’elle savait qu’elle mangeait, bien qu’elle ne pût dire à ce moment précis si elle en avait besoin ou non.
Prochain arrêt : le comptoir de la charcuterie. Je sais que j’ai besoin de viande… mais laquelle?Phyllis informa modestement l’employé derrière le comptoir qu’en ce moment, elle avait « un petit problème ». Elle lui expliqua qu’elle savait qu’elle devait prendre de la viande, mais qu’elle ne « savait pas laquelle. »
Pour Phyllis, cette expérience à l’épicerie (désorientation et perte de mémoire) s’est déroulée plus d’une fois. Et, lorsqu’il s’agit de se souvenir du moment où elle a demandé de l’aide et de celui où elle a demandé à quelqu’un de la comprendre, quelques moments lui reviennent… pour deux raisons différentes.
Dans le premier cas, la réponse de l’employé fût plutôt condescendante.
« Si vous ne savez pas ce que vous voulez… alors je ne peux vraiment pas vous aider », lui lança l’employé qui se retourna brusquement et s’en alla en la laissant seule avec son incertitude et son anxiété.
Dans le deuxième cas, l’employée se contenta d’acquiescer. Elle prit patiemment son temps, laissa Phyllis s’assoir et essayer chaque type de viande proposé au comptoir. Grâce à cette employée, Phyllis se souvint de la viande dont elle avait besoin et l’acheta. Se sentant rassurée, sa crise d’angoisse s’envola.
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Un scénario de confusion et d’incertitude à l’épicerie — une situation bien connue de toutes les personnes vivant avec l’Alzheimer. Deux interactions différentes : une négative et dénigrante, et l’autre, positive et plaisante. Pour Phyllis, la différence entre une excursion réussie et non à l’épicerie repose sur la sensibilisation des personnes avec qui elle interagit.
La condescendance d’un employé qu’elle a dû affronter et la gentillesse dont a fait preuve l’autre illustrent, pour Phyllis, la réalité et le potentiel de l’univers des personnes vivant avec l’Alzheimer ou une autre forme de trouble cognitif. Partout au Canada, de nombreuses personnes vivant avec l’Alzheimer peuvent raconter des histoires similaires; des histoires dont le dénouement repose sur des interactions positives ou négatives.
En réfléchissant aux deux réactions, Phyllis a compris les problèmes fondamentaux en jeu : le manque de sensibilisation du public à l’Alzheimer et le manque de mobilisation des personnes vivant avec l’Alzheimer à diffuser l’éducation.
« Tout se résume à la manière de traiter cette personne [qui vit avec l’Alzheimer], déclare Phyllis. Si on peut sensibiliser le public et bâtir des communautés plus soucieuses des personnes vivant avec l’Alzheimer, alors il sera mieux informé sur cette maladie et il saura que nous ne sommes pas mentalement incapables. »
Aujourd’hui, Phyllis se mobilise pour les personnes vivant avec l’Alzheimer. Elle est membre du Conseil d’administration de Dementia Alliance International. Intervenante très demandée, Phyllis unit son point de vue de personne vivant avec l’Alzheimer et son objectif d’éliminer la stigmatisation par le biais de la sensibilisation du public.
Le Canada est-il sur la voie d’atteindre cet objectif? Phyllis indique qu’actuellement, l’élaboration de stratégies centrées sur les troubles cognitifs à l’échelle nationale et en Ontariosont des indicateurs positifs. De plus, elle recommande de chercher des exemples positifs auprès d’autres groupes vivant avec une invalidité qui ont réussi à mettre un terme à la stigmatisation.
« Chaque type d’invalidité présente ses propres défis et ses propres stigmatisations, déclare Phyllis. Mais lorsque ces groupes commencent à se prendre en main et se battent pour leurs droits, les choses commencent à changer. »
« Prenez l’exemple de la communauté des personnes souffrant de surdité. Elles sont toutes allées dans des écoles spécialisées et y ont reçu une éducation. Mais lorsqu’elles ont quitté l’école, on observe que personne ne connait la langue des signes. Personne n’était là pour les soutenir et soutenir la communauté. »
« On commence cependant à observer plus de soutien à l’égard des personnes ayant une invalidité; on commence par exemple à voir des cartes de visite sur lesquelles les informations sont écrites en Braille; les programmes à la télévision sont sous-titrés. C’est par le biais des droits humains et des personnes qui se lèvent pour dire que la situation est inacceptable que nous allons pouvoir observer le changement. »
Dans la deuxième partie, nous pencherons sur la manière dont les droits humains sont inscrits dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées et peuvent particulièrement s’appliquer aux personnes vivant avec l’Alzheimer.