Mon parcours en tant qu’aidante d’une personne atteinte d’une maladie cognitive : Un cheminement inattendu vers l’éveil
Après la lecture de #jevisaveclalzheimer, Mildred Lynn McDonald a souhaité nous faire part de ses expériences en tant qu’aidante. Dans ce blogue, elle nous donne, à titre d’invitée, sept conseils inspirants qui l’ont aidée à mettre son parcours en perspective.
J’ai lu de nombreux articles sur comment les maladies cognitives changeaient les personnes qui en étaient atteintes; mais il est plus difficile de trouver des réflexions sur comment l’Alzheimer vous transforme, ou change un proche, un ami ou un aidant.
Ceci étant dit, je suis tombée sur de nombreux précieux conseils concernant la manière d’interagir avec une personne atteinte d’une maladie cognitive (Teepa Snow), sur les avantages pour les aidants à prendre soin d’eux-mêmes (c’est un marathon, et non une course), sur l’impact émotionnel brut (Jann Arden) ainsi que sur des opinions et points de vue concernant tous les stades de la maladie (organisations qui se consacrent à l’Alzheimer au Canada, aux É.-U. et au R.-U.).
Mais les aspects profondément personnels; les semences de la transformation émotionnelle qui s’enracinent au plus profond de notre être sont rarement discutées (du moins, je n’ai pas encore trouvé de discussion à ce sujet). En fait, comme la plupart des gens qui jonglent entre le désir de prodiguer les meilleurs soins possibles à leur proche et celui de mener leur propre vie, je n’y avais même jamais pensé.
Jusqu’au jour où…
Jusqu’au jour où j’ai fait une pause pour reprendre mon souffle et que j’ai réalisé que je n’étais plus la même personne. Des changements perceptibles s’étaient opérés au plus profond de moi. Ces changements n’avaient jamais été bons ni mauvais, mais ils étaient fondamentaux… un peu comme si de nouvelles molécules avaient été ajoutées à mon ADN.
Avec ces changements, j’ai laissé tomber la lutte. J’ai arrêté de pleurer et j’ai laissé la frustration derrière moi. J’ai renoncé à essayer de préserver les capacités, la mobilité, la sécurité et les autres aspects qui contribuaient à la qualité de vie de ma mère. J’ai également cessé de lutter avec les complexités associées aux maladies cognitives et leurs paradoxes. Les déchirements.
Au lieu de cela, j’ai tout simplement commencé à « être » : être dans le moment présent; être avec moi-même et avec mes proches. J’ai quitté le monde de la logique pour pénétrer dans celui des sentiments, de la musique, du toucher et des sourires. Un monde où le temps chronologique cesse d’exister et dans lequel l’empathie, la compassion, la patience, la compréhension et le pardon sont des qualités plus précieuses que l’or. Je suis entrée dans l’univers des maladies cognitives et, ce faisant, j’ai réinitialisé la boussole de ma vie pour l’orienter vers un lieu partagé par ma mère et moi-même. Parce que si je voulais être avec eux, je devais moi aussi y habiter (au moins une partie du temps).
Sept leçons de la vie
Après réflexion, il me semble que mon expérience en tant qu’aidante, a été pour moi une sorte « d’éveil ». Oui… je sais que c’est un bien grand mot, mais après avoir recherché son sens sur Google, j’ai décidé qu’il décrivait bien ma situation.
J’aimerais vous communiquer mes 7 moments révélateurs dans l’espoir qu’ils illuminent et qu’ils vous aident à leur tour dans votre cheminement en tant que membre attentionné d’une famille, qu’aidant ou ami. En fin de compte, ces « connaissances » qui affirment la vie m’ont donné de la force et de la bonne volonté, mais elles m’ont aussi permis de remettre les choses dans leur contexte.
1. Chaque parcours avec l’Alzheimer est différent
En commençant mon cheminement, je cherchais désespérément à comprendre tout ce qui était logique : les stades de la maladie; les symptômes, les échéances… le pronostic. Le sentiment de frustration s’est immiscé en moi quand on m’a dit et répété que « le parcours de chacun est différent ». Au fil des ans et après avoir eu l’honneur d’observer de nombreux patients atteints d’une maladie cognitive et leurs aidants, je saisis maintenant toute la véracité de ce conseil. Chaque cheminement est différent, car il y a tellement de variables et d’inconnues à prendre en compte dans l’équation des maladies cognitives qu’il vaut mieux ralentir un peu, se poser et adopter une mentalité plus détendue, du genre « attendons pour voir ».
2. Prendre soin de soi est impératif
Je me souviens avoir discuté avec une amie dont la mère avait reçu un diagnostic de maladie cognitive. Elle habitait assez loin et conduisait 7 heures en tout à la fin de chaque semaine, sans jamais déroger à sa règle, pour s’occuper de sa mère. Après son décès, elle m’a expliqué qu’elle ne regrettait rien, mais, qu’après mûre réflexion, elle aurait souhaité mieux prendre soin de sa personne. Il est très important pour la famille, les amis et les aidants de se ménager et de se préparer à faire un marathon plutôt que de se préparer à une course de vitesse.
À titre personnel, prendre soin de soi est pour moi un défi constant. Par nature, je suis indulgente; je dois donc m’auto-discipliner pour prendre soin de moi. Si j’étais livrée à moi-même, je terminerais épuisée et comme un plat de nouilles.
3. Il n’existe pas de « manuel » pour les maladies cognitives
Les gens ont tendance à se sentir coupables quand ils ne rendent pas visite à leurs proches; d’autre part, les aidants et les autres membres de la famille ont parfois des difficultés à comprendre pourquoi ils ne leur rendent pas visite. J’ai observé cette dynamique au sein des familles de nombreuses fois. L’enseignement que j’en ai tiré est qu’il n’existe pas de « manuel » pour les maladies cognitives. Il est donc difficile de définir des attentes.
« Chacun fait ce que lui dicte sa conscience » a été un mantra quotidien très utile pour moi. Il fonctionne, car je sais qu’au final, ce qui est important c’est la tranquillité d’esprit. Utiliser « comme le dicte ta conscience » comme un filtre normatif qu’on applique aux amis et aux membres de la famille permet d’effacer tout jugement. Après tout, comme le poème attribué à mère Theresa le dit si bien : « En fin de compte, c’est entre vous et dieu. Ça n’a jamais été entre vous et eux de toute façon. »
4. Un cours intensif en anatomie et en physiologie
Avec ma formation en sciences de la santé, j’ai toujours pensé être à jour et bien outillée en matière d’anatomie et de physiologie; mais s’occuper d’un proche atteint d’une maladie cognitive peut souvent revêtir une autre dimension. Tandis que j’observais la progression de la maladie chez ma mère, j’étais plus consciente de son corps; et mon niveau de conscience était aussi subtil qu’un battement d’ailes de papillon. Je suis constamment à l’affût de changements (bons ou mauvais) et j’ai prié bien des fois pour « pouvoir accepter les choses qui ne peuvent être changées ». J’ai aussi acquis une reconnaissance sans limites envers les professionnels de la santé et le personnel soignant qui ont l’expertise nécessaire pour faire du confort et de la qualité de vie de cet être cher une priorité.
5. Le sens d’appartenance et de la communauté
Lorsque ma mère a tout d’abord quitté le domicile familial pour emménager dans un établissement de soins de longue durée, j’étais déterminée à ce qu’elle continue à jouir du temps et de l’attention de ses amis et des membres de sa famille. C’est pour cela que notre famille s’est engagée à rester en contact… et cela dure depuis plus de quatre ans.
Encourager l’entourage de ma mère à lui rendre visite, lui montrer régulièrement des photos, la tenir au courant de ce qui se passait, organiser des petits événements spéciaux et faire preuve de gratitude et d’appréciation l’a aidée à se sentir aimée, connectée et utile. Dans un blogue à venir, j’expliquerai notre initiative en détail dans l’espoir que d’autres familles puissent elles aussi en tirer profit.
6. Du soutien, du soutien… et encore du soutien
En tant qu’aidante et membre attentionnée de la famille, il est parfois inévitable de sombrer dans des périodes de fatigue, de tristesse et de deuil. Pour compliquer les choses, il est vraiment difficile de saisir ce que signifie un parcours avec une maladie cognitive, jusqu’à ce qu’on le vive soi-même. Par exemple, avant le diagnostic de ma mère, je comprenais les maladies cognitives d’un point de vue purement « intellectuel »; après le diagnostic, j’ai compris leur impact d’un point de vue beaucoup plus profond. Un niveau qui m’englobe entièrement : le corps, l’esprit et l’âme.
Pour votre santé et bien-être, il importe (il est même essentiel) de vous entourer de personnes familières avec les complexités et les exigences des maladies cognitives. En premier lieu, contactez votre Société Alzheimer locale; puis, trouvez un groupe de soutien. En tant qu’adepte de la « thérapie par la conversation », je peux vous assurer qu’avoir régulièrement des conversations honnêtes au sujet de votre cheminement personnel en tant qu’aidant vous aidera à retrouver votre équilibre, votre gaieté et votre espoir dans le monde. Pour ma part, je participe à un groupe de soutien consacré aux aidants une fois par mois à Glace Bay, en Nouvelle-Écosse. Ce groupe a été ma bouée de sauvetage!
7. Adieu les inhibitions!
Rien de tel que de s’assoir avec un proche ayant reçu un diagnostic de maladie cognitive, de rire et de chanter des chansons d’antan! Je ne blague pas; si vous êtes de nature timide ou réservée, quelques séances de chansons joyeuses vous pousseront à vous demander pourquoi vous faites preuve de réserve à l’égard de certains aspects de votre vie. C’est ce qui m’est arrivé. En fait, je dois avouer que le fait d’être une aidante m’a rendue plus courageuse qu’à n’importe quel autre moment de ma vie; je vis le moment présent; je me lance des défis pour me débarrasser des artifices de mon univers et je me concentre sur ce qui est vraiment important. De plus, j’ai maintenant conscience (et j’apprécie) des petites choses et de la bonté que m’offre la vie. En bref, les inhibitions qui me retenaient sont maintenant claires et je les ai bannies. Je m’engage pleinement dans le moment présent et mords la vie à pleines dents!
À l’avenir…
En commençant ce billet, j’ai mentionné qu’être l’aidante d’un proche atteint d’une maladie cognitive fut pour moi un éveil spirituel; une étincelle m’éclairant sur le chemin de l’auto-découverte et du changement. Le défi constant fut d’apprendre à équilibrer ma propre vie et les exigences visant à prodiguer les meilleurs soins possibles pour ma mère. Je ne vais pas vous le cacher : atteindre cet équilibre fut difficile. Mon objectif général consiste à terminer ce cheminement en étant en bonne santé, saine d’esprit et en ayant l’esprit tranquille.
J’écrirai plus longuement sur mon parcours d’aidante en 2019. J’espère que mes observations aideront et encourageront d’autres personnes, tout comme les observations d’autres généreuses personnes m’ont aidée et encouragée. Le cercle continue! Restez à l’affût!
Lisez d’autres histoires de Mildred à Healing Conversations with Mildred Lynn (en anglais).